Tremblement de terre politico-économique au Japon : motion de censure contre le Premier ministre Noda
L’alerte retentit à Tokyo et tous les financiers se blottirent sous leurs tables. De faible amplitude, la première secousse eut lieu mercredi, sans dégât. Deux partis de l’opposition, le Parti libéral démocrate (PLD) et son allié, le nouveau Komeito, ont voté au Parlement une motion de censure contre l’actuel Premier ministre, Yoshihiko Noda du parti DJP. Il est vrai que « maître Noda » touchait les abîmes de l’impopularité depuis sa hausse de la TVA graduelle, votée début août à l’aide des deux partis labiles. Pour faire face aux dépenses de reconstruction après le séisme puis le tsunami de mars 2011, la TVA, de 5% aujourd’hui, passera à 8% en 2014 et à 10% en 2015. Mais, après moult salamalecs et flagorneries, l’opposition reprit ses droits et mit le Premier ministre à la porte. De nouvelles élections auront lieu probablement courant novembre 2012 pour sanctionner ou approuver l’action de Noda.
De ce coup d’éclat politique ne sort rien de bon pour l’économie japonaise car il sanctionne des efforts politiques faits dans le but de résoudre la délicate équation budgétaire de Tokyo. Les recettes fiscales représentent moins de 50% du revenu annuel de l’Etat depuis 2009, obligeant le gouvernement à recourir massivement à l’emprunt alors que sa dette trône depuis longtemps sur la crête du précipice (230% du PIB). A titre de comparaison, ce niveau est en Grèce de 165% du PIB. Des hausses d’impôts sont ainsi nécessaires mais dans un contexte de croissance nulle et de stagnation des salaires, ces réformes ressemblent à un suicide politique (preuve en est donnée). Du côté des dépenses, le gouvernement est à la diète depuis le début des années 2000 et l’austérité pèse sur des ménages japonais qui ressassent avec aigreur et nostalgie, la prospère histoire des années 1970. Les dépenses sociales ont reculé, tout comme l’âge de la retraite, 65 ans depuis 2010.
En Occident, au même problème, nous cherchons toujours la quadrature du cercle. Au Japon, en revanche, aucune inquiétude sur les visages des politiques puisque les coûts d’emprunt restent très bas, de l’ordre de 0.72% à 10 ans, malgré des niveaux de dettes qui effarouchent tous les investisseurs internationaux. Cette anomalie économique provient de la nationalisation de l’épargne japonaise : 94% des obligations souveraines du Japon sont détenues par des investisseurs nippons. La forte épargne des ménages favorise ainsi le recours à la dette et le non-équilibre des budgets. Elle permet aussi le voilage des faiblesses économiques comme la perte continue de compétitivité due à l’appréciation du yen, et un déficit extérieur grandissant.
Pourtant, les inquiétudes grandissent car la population japonaise vieillit (en 2060, 40% des japonais auront plus de 60 ans). Et un peuple de retraités, c’est une meute de consommateurs, non d’épargnants. La baisse ainsi programmée de l’épargne nationale remet en cause les conditions d’accès à l’emprunt anormales du pays et l’oblige à se conformer aux exigences internationales. Ce qu’il est loin d’accepter comme le montre cette motion de censure. La deuxième secousse à craindre ébranlera pour de bon un modèle secoué.